Gilles Moretton, le rassembleur

Gilles Moretton, candidat à la FFT avec sa liste « Ensemble Pour un Autre Tennis » lors d’une réunion au TC Aubagne (13), le 9 juillet dernier.

Alors qu’il pourrait profiter d’une retraite amplement méritée, Gilles Moretton, 62 ans, ancien joueur de l’équipe de France de coupe Davis, défiera Bernard Giudicelli le 12 décembre prochain à la présidence de la Fédération Française de Tennis. Il nous parle de cet engagement, des valeurs qui l’animent et de sa volonté de redonner à ce sport qu’il aime tant. Extraits.

« La campagne a commencé le 9 janvier. Notre objectif est de rencontrer les clubs partout en France. Avec le confinement, la visio-conférence est devenue notre principal outil, nous n’avons jamais arrêté d’échanger avec les clubs. Nous aurons pratiquement rencontré 2000 clubs. Cela donne un panel intéressant qui vient se rajouter à celui de la ligue Auvergne Rhône Alpes dont je suis le Président. Elle est intéressante puisque il y a des petits départements comme le Cantal: 19 clubs, 1500 licenciés, 3 DE et des départements très denses comme le Rhône ou l’Isère. » Indique la tête de liste d’Ensemble Pour un Autre Tennis. Avec Arnaud Clément (autre grand champion à avoir rejoint cette équipe), ils revendiquent haut et fort leur ADN : le club et le terrain.

« Depuis février 2018, j’applique déjà un programme autour des clubs. Nous ne somme pas dans la théorie du « y a qu’à, faut qu’on », je l’applique déjà dans ma Ligue en étant plutôt un bon élève de la politique fédérale. » Poursuit Gilles.

Pour ce qui est de la création d’ensemble Pour un Autre Tennis, cette association a vu le jour en juin 2019, avec la nomination de son président Pierre Doumayrou (président de la ligue d’Occitanie). Des chantiers ont été mis en perspective : l’arbitrage, la compétition, le bénévolat, le haut niveau, la formation. Les gens sont venus de toute la France, spontanément, réfléchir autours de ces thèmes. La notion collective est essentielle et il peut y avoir des alternatives à ce qui existe aujourd’hui : j’ai le droit d’avoir des idées différentes, le Président de la FFT a un autre profil que le mien, il en est de même pour Arnaud. Nous ne sommes pas dans un mouvement destructeur, il est juste différent. Nous sommes plus dans la formation que la sélection par exemple, il faut élargir la cible.

Arnaud Clément, Gilles Moretton et Jean-Claude Bousteau, président de la ligue PACA.

Rassembler la famille du tennis

Notre choix c’est vraiment de rassembler la famille du tennis, elle est actuellement divisée. Nous constatons que l’image de la Fédération est écornée avec la Coupe Davis, le Podium, (on avait fait appel à Yannick Noah, Cédric Pioline, Amélie Mauresmo et Guy Forget, cela a duré un mois…), ma condamnation. Le Président actuel avait aussi, par exemple, annoncé dans son programme 1,5 millions de licenciés à l’échéance 2020, il a repoussé ce chiffre à 2030 maintenant…

C’est après une longue réflexion que Gilles Moretton est revenu dans le monde du tennis. Il avait arrêté la compétition en 1984, du jour au lendemain après Roland Garros, à 26 ans. Il a ensuite enseigné pendant 10 ans, puis, avec Philippe Chatrier président de la FFT, il a élaboré le Grand Prix de Tennis de Lyon, créé une société basée sur l’événementiel sportif, sans oublier la Présidence du club de basket de l’ASVEL. « Cela a été mon quotidien pendant 35 ans. J’ai eu la chance d’avoir tous mes trimestres et ainsi de pouvoir prendre ma retraite. J’ai alors décidé de me consacrer à une troisième vie. Je suis parti au Népal parce que philosophiquement je suis proche du bouddhisme, la haute montagne m’inspire. J’ai fait l’Anapurna, les lacs sacrés du Gosaikunda ». Ce retour a beaucoup de sens pour lui, sa volonté de redonner à ce sport qui lui a tant donné, a penché dans la balance.

Gilles aborde ensuite le mode de gouvernance, le manque de débat au sein de la Fédération : au Japon, on dit que lorsque un poisson pourrit, il pourrit par la tête. Il ne faut pas chercher les causes des difficultés actuelles en bas mais plus haut, dans le manque de règles du jeu, d’éthique. Aujourd’hui, la Fédération et son Président ne rassemblent pas. Demain, si nous sommes élus, le mouvement que l’on représente débattra aussi avec les gens qui pensent différemment. Il faut changer ce système de l’entre soi aussi bien au niveau fédéral qu’au niveau de l’ITF (Fédération Internationale de Tennis). La base même de notre programme, c’est de faire exploser cela, de dire aux clubs, c’est vous qui allez voter. Nous avons des enseignants, des bénévoles, des dirigeants de club de grande qualité, c’est à eux qu’il faut rendre la parole ».

Réunion du 9 juillet au TC Aubagne avec, de gauche à droite: Jean-Claude Bousteau, Arnaud Clément, Valérie Séropian (présidente du TC Aubagne), Bernard Gussy ( secrétaire général adjoint du comité 13) et Gilles Moretton.

Concrètement, l’élection fédérale est programmée le 12 décembre et dès le lendemain, l’équipe « Ensemble Pour un Autre Tennis » proposera une Assemblée Générale extraordinaire pour changer le mode gouvernance. Ce n’est pas une lubie d’Arnaud Clément ou de Gilles Moretton, indiquent-ils, il y a bien une demande de la part du Conseil d’Etat auprès des Fédérations pour que ce mode de scrutin soit mis en place. Les deux anciens champions estiment que nous sommes au bout d’un système. Ils évoquent aussi l’association « rénovons le sport français » (portée par Amélie Oudéa-Castera, ancienne vainqueur de l’Orange Bowl) qui préconise, elle aussi, un autre mode de gouvernance , bien loin des « happy few », des privilèges, de l’entre soi.

Quelques points du programme.

Les items principaux détaillés par Gilles Moretton, concernent donc principalement l’image, le vote des clubs, le mode de gouvernance de la Fédération. Il parle aussi de la notion de plaisir, trop souvent oubliée : « nous avons réalisé un sondage auprès des pratiquants en listant 10 raisons pour lesquelles ils sont amenés à venir dans les clubs. Celle qui arrive en tête c’est la pratique d’une activité physique, la deuxième c’est s’amuser, la troisième c’est progresser, la dernière c’est gagner. La victoire n’est pas une obsession. On a oublié que nos pratiquants venaient pour s’amuser, il faut remettre en avant cet aspect là. La notion de match par équipe est essentielle, ça marche aussi pour le tennis d’entreprise. Si on continue la chaîne, il y a Roland Garros au bout qui donne aussi beaucoup de plaisir. Quel que soit son choix et son niveau, un pratiquant doit retrouver ce plaisir là ».

Formation plutôt que sélection.

C’est Arnaud Clément qui détaille enfin le dernier point du programme, il concerne l’élite et la performance : « A 12 ans, tu dois faire 20 heures de tennis par semaine, x tournois Tennis Europe, tu dois être déscolarisé et atteindre un certain classement pour avoir des aides de la Fédération. C’est hallucinant, même les pro ne s’entraînent pas autant ! Quand j’entends qu’il faut s’inspirer du modèle tchèque, c’est aberrant. Ce n’est pas notre culture, on se trompe complètement ». Gilles complète: « on essaye de faire rentrer des jeunes dans des silos pour atteindre le haut niveau alors qu’il faut élargir la pyramide pour aboutir peut être sur un champion. Quand je suis arrivé au sport étude de Nice avec Yannick Noah, moi à 13 ans et lui à 11 ans, sur les 100 candidats qui sont passés (pendant 5 ans), il y en a 5 qui ont réussi ». Il faut remettre la notion du collectif, cette émulation en avant. La victoire n’est pas un projet, c’est la conséquence d’un projet. En forçant les gamins à gagner à 12 ans on fige la formation, il faut plutôt le laisser s’exprimer et laisser le temps à la formation. J’ai créé dans ma ligue des centres d’entrainement de haute performance pour deux cibles: les 13/16 ans (avec une passerelle pour les U12) et pour les 17/25 ans. Personne ne sera exclu ».

Gilles de conclure : nous allons être fédérateurs également à l’international. Il faut une vision, j’en ai la volonté et probablement la capacité. Notre rôle sera aussi de protéger Roland Garros. Parce que ce qui c’est passé avec la Coupe Davis et être capable de vendre un pilier sacré pour de l’argent ne doit en aucun cas servir d’exemple à suivre. Le tennis a été mon fil rouge pendant presque 60 ans. Quand je me suis arrêté je voulais juste faire de la moto, m’occuper de mes petits enfants, faire de la pêche à la mouche et repartir faire l’Everest, c’était ça mon programme. On a fait appel à moi pour cette campagne, j’ai accepté par altruisme, pour rassembler ma famille !!